Il y a bien longtemps, dans la province dIzumo, vivait un guerrier du nom d'Asano Miyatori. Il était droit, loyal à son seigneur et ne connaissait pas la peur. Il gouvernait un petit village, dans une vallée entourée de montagnes escarpées. Ses sujets étaient des gens simples et tranquilles, cultivant le riz et vivant au rythme des saisons. Asano était vieux et il aurait pu poser les armes et consacrer ses derniers jours à la culture des bonsaïs. Mais son coeur ne connaissait pas la paix.
En effet, chaque année, à la même époque, une troupe de démons attaquait la vallée. A trois reprises, ils étaient venus, menés par leur chef, une créature blafarde et décharnée du nom de Hyoro. A trois reprises, Asano Miyatori avait revêtu son armure décailles, laquée de rouge et décorée de son emblème : le pinson. Il avait réuni ses samouraïs et ils avaient affronté la horde grimaçante. Ils avaient repoussé lennemi mais à quel prix ? Les samouraïs nétaient plus désormais que neuf et Asano, bien que déterminé à lutter jusquà la mort, tremblait pour son peuple. Il sentait sa fin prochaine et se désolait de navoir jamais pris femme et de navoir point de fils pour continuer le combat en son nom.
Un jour, il fit appeler tous ses guerriers. Ils entrèrent un à
un et sinclinèrent respectueusement. Ils avaient fière allure,
avec leur kimono, leur hakama, le pantalon large des samouraïs et les geta,
les sandales de bois traditionnelles. Tous portaient leurs cheveux relevés
sur le sommet du crâne, étroitement serrés en chignon. Asano
garda un instant le silence, puis, il déclara :
« Honneur à vous, qui mavez fidèlement servi. Voici
venir un nouveau combat car dans trois mois, les étoiles saligneront
de nouveau et les yokai (2) seront là. Quelle que soit notre détermination,
je sais que nous ne pouvons lemporter. »
Lun des samouraïs, un solide gaillard, loeil droit barré
dune cicatrice, savança alors et dit :
« Honorable shomyo (3), nous ne connaissons que la victoire ou le trépas.
Chaque matin, nous nous réveillons en souriant à la mort prochaine,
comme le dicte la voie du guerrier. Nous vous suivrons. »
Asano sourit et répondit :
« Comblé est le maître qui possède des serviteurs
tels que vous. Mais si nous mourons tous, le village sera sans défense
et je ne puis my résoudre. Je vais aller dans la montagne et implorer
laide des dieux. »
Il partit le lendemain à laube, muni seulement dun bâton de marche et dune gourde deau claire. Pendant une semaine, il erra dans la montagne, jeûnant et purifiant son âme au contact de la nature. Puis, il invoqua Amaterasu, la radieuse déesse du soleil. Il pria de toutes ses forces pendant un jour entier et finit par seffondrer, épuisé. Amaterasu, dans sa demeure céleste, entendit ce mortel. Impressionnée par son courage, elle fut sensible à sa requête. Elle alla trouver son frère, Tsukuyomi et le pria de bien vouloir descendre sur Terre. Celui-ci prit alors une forme humaine.
Asano séveilla à la nuit tombée et sassit.
Soudain, à deux pas de lui, un éblouissant rayon de clarté
frappa le sol. Une femme dune merveilleuse beauté descendit de
lastre lunaire et se tint devant lui. Elle était vêtue de
la soie la plus fine et son épaisse chevelure caressait ses chevilles.
Elle parla et sa voix était douce et grave :
« Je te salue, shomyo de la vallée. Je suis venue exaucer ton souhait.
Sois mon époux pour cette nuit et à ton réveil, tu trouveras
réponse à tes prières. »
Ainsi fut fait et, quand Asano ouvrit les yeux au matin, il trouva à
son chevet deux jeunes hommes qui le veillaient. Tous deux avaient le teint
de nacre et en tous points la même figure. Leurs corps étaient
souples et solidement bâtis. Lun avait les cheveux aussi pâles
quune averse de neige et un kimono opalin.
« Père, dit-il, je suis le premier fils que tu as eu de la Lune.
Je suis né de ses rayons éclatants et je me nomme Hikari (4).
»
Lautre avait une chevelure de ténèbres et un kimono aussi
sombre que la nuit.
« Père, dit-il, je suis le second fils que tu as eu de la Lune.
Je suis né de son nimbe dobscurité et je me nomme Hikage
(5). »
Asano se sentit empli de joie et de reconnaissance en les voyant et il les ramena
promptement au village.
Là, il commença à leur enseigner les armes. Il leur apprit lart du yumi, larc long du samouraï, et celui du katana. Les jumeaux se montrèrent merveilleusement doués et, avant que sept jours se fussent écoulés, ils étaient devenus aussi forts que leur père. Ils avaient également le plus heureux caractère, se montrant vertueux, serviables, et ne soctroyant nul repos durant leur entraînement. Hikage était cependant le plus calme des deux et Hikari le plus dynamique. Ils étaient inséparables dans tout ce quils entreprenaient, buvant à la même tasse et dormant sur le même futon.
Cependant, dans le monde des morts, les monstres sassemblaient autour
de leur chef. Celui-ci était grand et si maigre que les côtes lui
sortaient par endroits de la poitrine. Sa chair était blême et
ses cheveux aussi rouges que le sang. Les monstres sadressèrent
à lui en grognant :
« - Hyoro, nos ventres sont vides. Nous avons faim de chair humaine !
- Patience, car le temps ne sera plus long où je pourrai ouvrir la porte
vers le monde des vivants. »
Asano, ayant enseigné tout ce quil savait à ses fils, les
convoqua et leur dit :
« - Votre bras est puissant. A présent, pour éduquer votre
esprit, vous irez trouver le Maître de la Montagne aux Pêchers,
l'être le plus sage de toute la province. Voyez-vous ces montagnes au
loin ? Il réside au sommet de la plus haute d'entre elles.
- Quel est son nom ?
- Je ne le connais point.»
Les deux jeunes guerriers s'inclinèrent devant leur père, prirent
leurs arcs et s'en furent d'un bon pas. Ils longèrent la vallée
et les paysans, penchés sur la boue des rizières, se relevèrent
pour les saluer. Puis, ils commencèrent de gravir la montagne. Plus ils
montaient et plus la végétation était rare. Bientôt,
il ne resta que quelques pins aux troncs tordus, accrochés aux rochers.
Et plus ils montaient, plus il faisait froid. La bise les mordait cruellement
et les bourrasques menaçaient de les jeter au sol. Hikage trébucha
le premier et sa volonté faiblit. Alors, son frère revint en arrière
et lui dit :
« Gambatte (6) ! »
Et Hikage se releva et avança à nouveau. A présent, la
neige tombait serrée et les mains des fils de la Lune étaient
tout ensanglantées par l'escalade. Hikari tomba à son tour et
demeura sans forces. Son frère vint à ses côtés et
lui offrit son bras. Finalement, ils rallièrent le sommet et là
- Ô merveille - une chaleur printanière baignait un verger de pêchers
en fleurs. Les deux guerriers s'avancèrent sous une pluie de pétales
roses mais ils ne purent trouver le Maître. Le seul habitant du verger
était une vieille tortue terrestre, à la carapace couverte de
cratères. Agacé, Hikari dit :
« Nous perdons notre temps ! Il n'y a pas de sage ici.»
Alors, la tortue releva la tête et déclara :
« Malavisé est celui qui se fie à l'aspect des choses.»
Confondu, Hikage demanda poliment :
« - Sumimasen (7), êtes-vous le Maître de la Montagne aux
Pêchers ? Nous ne connaissons point son nom.
- Je le suis et je ne possède rien, pas même un nom.»
Ainsi commença la formation des deux frères avec la tortue. Elle
leur enseigna la méditation et cela ne fut pas aisé car ils étaient
jeunes et impétueux. Elle leur révéla leurs pouvoirs, celui
de la lumière pour Hikari et celui des ombres pour Hikage, et ils apprirent
à les invoquer. La tortue parlait peu et souvent par énigmes.
Elle pouvait voir toutes les époques et maints lieux en même temps
mais n'en disait jamais rien. Un soir, le maître et ses disciples se concentraient
en silence sous un pêcher aux branches chargées de fleurs. La tortue
demanda :
« Quel est le but de votre vie ? »
Et les deux frères de répondre ensemble :
« La victoire, sensei (8 ). Nous avons hâte d'aller au combat !
La tortue resta un instant silencieuse puis, elle souffla par les narines et
dit :
« La vraie sagesse est parfois dans limmobilité. »
Les semaines passèrent et l'heure de la bataille approchait. Hikage avait
le front soucieux tandis que Hikari marchait de long en large. Ils interrogèrent
leur maître :
« Sensei, vous qui connaissez le passé et le futur, nous direz-vous
comment l'emporter contre nos ennemis ? »
La tortue allongea son cou ridé et répondit :
« La plus grande révélation est le silence. »
Et ils n'en eurent pas un mot de plus.
Quand elle les jugea prêts, la tortue leur dit :
« Vous êtes à présent maîtres de votre mental.
Je vais vous indiquer où vous trouverez deux katana qui vous sont destinés.
Ces lames sont des parties de vous. Dans peu de temps mais il y a des années,
je les cacherai derrière une cascade. »
Elle leur enseigna le chemin et ils partirent après l'avoir remerciée
pour tout. Ils redescendirent la montagne et, comme ils arrivaient à
l'orée d'une clairière, ils virent une étrange créature.
Grande comme un homme et debout sur deux pattes, elle ressemblait à un
chat aux longues moustaches. Mais elle possédait deux queues et était
habillée d'un kimono de brocard pourpre. Reconnaissant un esprit, les
fils de la Lune encochèrent aussitôt une flèche à
leur arc. Mais l'enseignement de la tortue leur revint et ils y regardèrent
à deux fois. L'esprit-chat ne portait pas d'arme et faisait paisiblement
chauffer de l'eau sur un petit feu. Ils rangèrent alors leurs arcs et
s'avancèrent entre les arbres :
« - Konnichi wa (9), honorable voyageur. Nous permets-tu de partager ton
repos ?
- Tout le plaisir sera pour moi, nobles samouraïs. Puis-je vous offrir
une tasse de mon humble thé ? »
Le chat les servit dans des tasses d'or fin. Puis il se lissa la moustache et
reprit :
« - Je suis Kuchisama, le roi des bakeneko du sud.
- Nous sommes Hikari et Hikage Miyatori, de la vallée.
- Pardonnez mon indiscrétion mais j'ai ouï dire que des yokai allaient
incessamment attaquer votre village.
- C'est exact, seigneur Kuchisama. Et nous allons les combattre.
- Alors que les dieux vous aident dans votre entreprise. »
Les deux frères s'inclinèrent pour le remercier puis ils prirent
congé.
Ils marchèrent pendant plusieurs jours, sans s'accorder de repos, et ils traversèrent un désert de pierres, puis une forêt peuplée de spectres terrifiants, et enfin une plaine de cendres parcourue de tornades. Mais aucune de ces épreuves ne les arrêta et bientôt, ils trouvèrent la cascade et derrière elle, une grotte profonde. Sur une pierre plate, reposaient deux épées de la plus belle facture. L'une avait une poignée blanche et l'autre noire. Hikage aux noirs cheveux prit l'épée la plus sombre et son frère fit de même pour l'autre. Mais leur intuition leur souffla que ce n'était pas ce qui convenait, aussi échangèrent-ils. Aussitôt qu'ils tinrent l'épée de la couleur opposée à la leur, ils se sentirent chacun envahi dun grand pouvoir et dun sentiment de plénitude. Hikari fendit lair de sa lame et une onde blanche en jaillit. Elle traversa la caverne et alla fendre en deux leau de la cascade de sorte que, pendant un instant, la montagne alentours fut visible.
Reprenant la route, ils se hâtèrent vers leur village. Quand ils
y arrivèrent, ils trouvèrent tout le monde en grande affliction
car le seigneur Asano reposait sur son lit de mort. Les deux frères vinrent
s'agenouiller à ses côtés et lui prirent chacun une main.
Asano releva alors sa tête chenue et dit :
« Mes fils, je sens que vous êtes devenus très puissants
et que vous me ferez honneur. Je pars tranquille. Je ne regrette que de ne point
pouvoir combattre à vos côtés.»
Et sur ce, il mourut le sourire aux lèvres. Les fils de la Lune furent
bien affligés mais il n'avaient guère le temps de pleurer leur
père car les démons arrivaient. Ils mandèrent donc les
neuf samouraïs et partirent s'équiper. Puis, tous les onze chevauchèrent
vers l'ennemi. Les armures, de plaques articulées, décorées
de brillantes couleurs, étincelaient au soleil. Chaque guerrier avait
un épais couvre-nuque en sus de son casque et un masque grimaçant
lui couvrait le visage. Les deux frères allaient devant. Leur plastron
était décoré d'un croissant de lune et ils portaient d'un
côté leur katana et de l'autre un wakizashi (10) plus court.
Comme la troupe longeait la forêt, des bannières pourpres en sortirent
et un contingent de bakeneko aux fourrures bigarrées marcha à
leur rencontre. Kuchisama s'avança. Il lissa sa moustache et héla
Hikari et Hikage :
« - Vous me feriez honneur en me permettant de combattre avec vous.
- Arigato gozaimasu (11). C'est nous qui sommes honorés de t'avoir pour
allié.»
Tous reprirent leur route et il furent bientôt en vue de l'armée
des démons, qui était fort nombreuse. La plupart des yokai portaient
des robes blanches et dissimulaient la paume de leurs mains dans leurs manches.
Certains flottaient mollement dans les airs et présentaient des blessures
atroces. D'autres avaient des faces de monstres.
Le combat s'engagea. Les samouraïs poussèrent un cri de guerre et se jetèrent sans peur dans la mêlée. Les bakeneko qui, grâce à leurs deux queues, possédaient le don de métamorphose, commencèrent sur le champ de changer de forme. Ils devinrent des serpents gigantesques ou de redoutables sangliers et firent grand ravage dans les rangs ennemis. Hikari faisait de larges mouvements de son katana, fauchant maints démons mais n'en achevant aucun. Hikage, de son côté, portait peu de coups mais très précis, visant à chaque fois un endroit mortel. Souvent, ils combattaient dos à dos et ils étaient alors bien plus puissants que séparés. Les lignes yokai s'éclaircissaient rapidement mais quatre samouraïs gisaient déjà morts sur le champ de bataille. Sur une colline, Hyoro, le démon pâle encourageait ses troupes. Hikari s'éloigna pour porter secours à Kuchisama qui était encerclé. Hikage chercha des yeux un adversaire et une démone s'avança devant lui. Elle se nommait Kumoko. Elle était mince comme un roseau et jolie de figure, humaine à l'exception des pattes d'araignée qui dépassaient de son flanc. Hikage la regarda dans les yeux et ils tombèrent aussitôt amoureux. Elle lui tendit la main et il partit avec elle.
Les démons, décimés, se débandaient et fuyaient
en désordre. Cependant, Hikari cherchait son frère et il le vit
qui suivait la démone vers la porte du monde des morts. Il en conçut
une grande horreur et se lança à leur poursuite.
« - Oniisan (12) ! cria-t-il. Où vas-tu ?!
- Je me rends dans le monde des morts, là où est désormais
ma place.
- Ta place est ici, à défendre le village de notre père
!
- Non pas, car Kumoko a parlé à mon esprit et m'a révélé
la part d'ombre qui réside en mon coeur.
- Je ne te laisserai pas partir !
- Alors, il te faudra m'arrêter par les armes. »
Et à ces mots, ils tirèrent l'épée l'un contre l'autre
et engagèrent le combat. Leurs katana voltigèrent de droite et
de gauche, si vite que des yeux d'homme ne pouvaient les suivre. A chaque fois
qu'ils se heurtaient, des gerbes d'étincelles jaillissaient. Mais ils
ne pouvaient se blesser car ils étaient exactement aussi forts l'un que
l'autre. Et ils n'osaient utiliser leurs pouvoirs. Sans cesser de se fendre
et de parer, Hikari dit :
« - Il ne peut y avoir de vainqueur dans ce combat car nous sommes les
deux moitiés d'une même âme. Tu dois venir avec moi.
- Je ne le puis car l'obscurité est en mon coeur.
- Le vrai guerrier est le maître de sa part d'ombre. »
Hikage vit que cela était vrai et il rengaina son arme. Il se tourna
alors vers Kumoko et lui demanda de l'accompagner pour être sa femme.
Comme elle avait pour lui les plus doux sentiments, elle brisa ses pattes d'araignée
et, de ce fait, devint humaine.
Il y eut grandes réjouissances ce soir-là au village et les bakeneko burent le sake avec les humains en l'honneur de la victoire et du mariage. Et ils jouèrent de la flûte et dansèrent.
Une année se passa. Kumoko donna le jour à un garçon,
humain hormis pour le glyphe noir, en forme d'araignée, gravé
sur son front. Un jour, la démone alla trouver son mari et lui dit :
« - Ô mon époux, le temps est proche où les yokai
vont revenir.
- Pourtant, nous les avons presque tous tués.
- Certes mais leur chef, Hyoro, a survécu. Les monstres sont aussi nombreux
dans le monde des morts que les gouttes de pluie dans le ciel. Hyoro les rassemblera
et ouvrira à nouveau le portail. C'est lui que tu dois tuer pour briser
la malédiction.
- Ma chère femme, je ferai selon ton conseil. »
Les fils de la Lune se préparèrent donc à la bataille
avec les cinq samourais. Quand ils furent sur le point de partir, ils virent
le Maître de la Montagne aux Pêchers franchir lentement la porte
du village. Ils se portèrent à sa rencontre et le saluèrent
:
« Sensei, lui dirent-ils, votre présence nous honore. Etes-vous
venu nous prêter assistance ? »
La vieille tortue souffla par les narines et répondit :
« Le fort se doit d'être le rempart du faible. »
Cependant, l'armée des yokai arrivait et cette fois, ils vinrent jusqu'aux
rizières. Beaucoup flottaient dans l'air. Leurs larges mâchoires
claquaient et leurs yeux roulaient hors de leurs orbites. Hikari et Hikage ordonnèrent
à Kumoko et aux samourais de défendre le village et ils s'avancèrent.
« Démons et esprits, que votre chef se montre ! »
Hyoro sortit des rangs. Il était immense et blafard, avec une tresse
couleur de sang qui tombait jusqu'au sol et, à sa ceinture, les cheveux
de nombreux samourais.
« Salut à toi, Hyoro, Roi des monstres, reprirent les deux frères.
Nous sommes Hikage et Hikari Miyatori, fils de Asano Miyatori, les shomyo de
la vallée. Nous avons l'honneur d'être tes adversaires.»
Le démon parla à son tour. Sa voix sifflante et comme désincarnée
semblait murmurer directement à l'oreille de chacun :
« Je vous attends, mortels. Vos cheveux pendront bientôt à
ma ceinture et les yokai se repaîtront de votre chair. »
Et il s'élança contre les deux frères.
Hikari invoqua une lumière étincelante pour aveugler son ennemi et lui porta un coup de son katana mais Hyoro para facilement de sa main griffue. Hikage fit alors apparaître une brume sombre pour l'asphyxier mais le démon la dissipa d'un seul souffle. Dun revers, Hyoro jeta les fils de la Lune au sol mais ils revinrent aussitôt. Le combat continua ainsi pendant fort longtemps et toujours, lavantage était au démon. Les deux frères saignaient par maintes blessures et leurs vêtements étaient déchirés. De nouveau, ils mordirent la poussière. Leur souffle était court et la douleur déformait leurs traits. Mais seule la victoire existait pour eux et, encore, ils se relevèrent.
Cependant, Kumoko et les cinq samourais repoussaient les yokai aux portes du
village. Un spectre réussit à entrer et agita ses immenses bras.
La vieille tortue le désigna alors de sa patte en disant :
« Ame torturée, sois en paix. »
Et lesprit disparut dans une gerbe détincelles dor.
Les deux frères vacillaient, à bout de force, mais ils ne renonçaient
pas. Brandissant son katana, Hikari appela à lui son pouvoir. Un éclair
blanc jaillit de sa lame et alla frapper Hyoro mais un gros oeil noir souvrit
sur son torse et absorba la lumière. Hikage le frappa à son tour
dun trait de ténèbres. Hyoro ouvrit de nouveau son oeil
magique mais celui-ci était blanc et absorba le rayon obscur. Hikage
comprit alors ce quil convenait de faire et il cria à son jumeau
:
« Attaquons-le ensemble ! »
Rassemblant toute lénergie qui lui restait, Hikari pointa son épée
et projeta son pouvoir. Son frère fit de même de son côté
et lombre et la lumière jaillirent en même temps et se mélangèrent
pour former un faisceau scintillant. Hyoro ouvrit une troisième fois
loeil de sa poitrine et lutta pour absorber lattaque. Mais il ny
parvenait pas et sa peau commença à noircir. Les deux frères
maintinrent leur assaut, puisant jusquaux tréfonds de leur volonté.
Leur visage se crispait sous leffort et le bras qui tenait le katana le
droit pour Hikari et le gauche pour Hikage- , parcouru par le flux de magie,
fumait de plus en plus. Hyoro poussa un terrible cri et il se consuma tout entier.
Au même instant, la porte vers le monde des morts se dissipa et tous les
yokai disparurent. Les samourais crièrent :
« Yokatta (13) ! Nous sommes victorieux ! »
Les fils de la Lune, d'épuisement, s'effondrèrent à genoux et, de chacun, le bras qui tenait l'épée tomba sur le sol, carbonisé. Le Maître de la Montagne aux Pêchers vint alors sur le champ de bataille. Il prit les deux bras et les transforma en deux katana, l'un avec une poignée blanche et l'autre noire. Et il les emporta avec lui. La paix revint au village et plus jamais on ne revit les monstres. Les deux frères furent soignés et ils régnèrent avec sagesse durant de longues années. A leur mort, le fils de Hikage et de Kumoko devint le protecteur de la vallée.
FIN
(1) tsuki no shijo : les enfants de la lune
(2) yokai : esprit-monstre
(3) shomyo : seigneur mineur
(4) hikari : lumière
(5) hikage : ombre
(6) gambatte ! : continue ! nabandonne pas !
(7) sumimasen : sil vous plait
(8 ) sensei : maître, professeur
(9) konnichi wa : bonjour
(10) wakizashi : épée courte servant à décapiter lennemi
(11) arigato gozaimasu : merci beaucoup
(12) oniisan : frère
(13) yokatta ! : Dieu merci ! quelle joie !