Fiche technique :

titre original : Nightbreed

genre : fantastique / horreur

réalisateur : Clive Barker (Hellraiser, Candyman.)

scénario : Clive Barker

nationalité : américaine

acteurs : Craig Sheffer, David Cronenberg, Anne Bobby.

sortie : 1990

durée : 1h42

Début :

Boone fait d'étranges et sanglants cauchemars où il se voit entouré de créatures inquiétantes, dans la cité de Midian. Son psychiatre, Decker, lui révèle qu'un serial killer sévit en ville et que, si l'on se fie aux enregistrements des séances d'hypnose, c'est Boone lui-même le criminel. Horrifié par cette déclaration et très perturbé par ses visions nocturnes, Boone se jette sous un camion. Il se réveille à l'hôpital où il rencontre un personnage bizarre, qui lui demande de le conduire à Midian et lui en indique le chemin, avant de s'arracher brutalement la peau du crâne. Boone quitte l'hôpital et se rend là-bas. Il entre dans un gigantesque cimetière ancien.

Avant-propos important :

Vous qui vous apprêtez à voir Cabal ou vous qui l'avez vu et aimé ou vu et détesté, sachez que la version disponible n'a que peu à voir avec ce que Clive Barker voulait en faire. Le film, long de plus de deux heures trente à l'origine, a été véritablement massacré par la Fox, et spécialement par un producteur du nom de Morgan Creek. Sans l'accord de l'auteur, celui-ci a opéré de grosses coupes, supprimant principalement des séquences contenant des monstres ou détaillant les personnages. De 200 monstres créés par Barker, on n'en voit plus que 50 dans la version qui est sortie !! Le début du film a été amputé de plusieurs séquences qui approfondissaient la psychologie des personnages, de sorte que l'histoire parait amenée de façon rapide et maladroite. De même, les scènes de combat de la dernière demi-heure ont fortement été réduites pour ne laisser que le strict minimum. Il manque en outre plusieurs scènes montrant le fascinant personnage du psychiatre.

Pour plus de détails sur les raisons du massacre et le combat que mène Clive Barker pour sortir un director's cut, voir la fin de cet article, dans la partie spoilers.

Histoire et thèmes :

Le scénariste, Clive Barker, est romancier, auteur entre autres des Livres de sang et du cycle d'Abarat. Il crée des univers effrayants et fascinants, peuplés de créatures dangereusement séduisantes (comme Pinhead, Tête d'épingle, dans Hellraiser) ; des mondes où s'entremêlent la violence et l'érotisme, la beauté et la souffrance. Cabal est l'adaptation de son roman du même nom (pour une fois, la traduction française a restitué la vérité au lieu de faire dans le sensationnel inepte).

Ici, l'histoire peut sembler assez classique et simpliste au premier abord (une cité perdue, une prophétie) mais les thèmes soulevés sont intéressants voire novateurs et on se passionne assez vite pour les étranges habitants de Midian. Des scènes d'ambiance, oniriques, à la beauté dérangeante, alternent avec des séquences d'action énergiques ou des moments assez gores. Malgré le massacre de la Fox, ce film est unique en son genre et fascinant, avec une ambiance à la fois poétique et terrifiante. Je forme des v½ux pour qu'une version non tronquée vienne un jour lui rendre justice.

Réalisation :

L'image a pas mal vieilli, aussi bien du point de vue de la façon de filmer que des costumes et coiffures, méchamment datés années 80. Le début est de facture classique mais se libère avec la plongée dans le monde de Midian. De nombreuses images sont d'une grande beauté (beauté horrifique souvent) plastique, avec notamment de superbes créatures et des décors insolites. La chouette bande son de Danny Elfman (le compositeur des films de Tim Burton) vient rehausser l'ambiance Dark fantasy.

Acteurs :

Ils tiennent leur place. Difficile de juger sur les dialogues car je n'ai vu que l'exécrable version française mais sur l'image, ça va. Mention spéciale pour David Cronenberg, parfait dans le genre froid et inquiétant.

Personnages :

Boone : le héros du film. Désorienté, en pleine crise d'identité, il cherche sa place dans le monde et espère la trouver à Midian.

Lori : la petite amie de Boone. Mignonne jeune fille amoureuse, elle n'en a pas moins un sacré sang-froid et une énorme détermination. C'est loin d'être le énième personnage de potiche terrifiée des films d'horreur. Et ça fait plaisir.

Decker : le psychiatre inquiétant, très inquiétant, de Boone. Un personnage intéressant et passablement monstrueux.

Narcisse : un membre du « peuple de la nuit ». Tantôt sympathique, tantôt inquiétant, il représente bien l'ambivalence des monstres.

Peloquin : un autre monstre. Lui aussi est très ambivalent, un instant raisonnable et calme, l'instant d'après une bête assoiffée de sang.

Effets spéciaux :

Ils sont inégaux, en partie à cause d'un manque de moyens par rapport à l'ambition du film, en partie à cause du niveau technologique de l'époque. Ben oui, ce film a tout de même vingt ans. Cela reste très agréable à regarder. Les maquillages sont pour la plupart réussis voire splendides (surtout celui de la femme-hérisson), les animatronics sont employés à bon escient et les décors sont très soignés. J'ai regretté que tous les plans larges sur le cimetière soient des matte paintings. Cela donne un aspect un peu kitsch à ces scènes.

Si vous avez aimé Cabal. vous aimerez peut-être :

Hellraiser, Le labyrinthe de Pan

La réplique :

(Je la retranscris directement du script anglais, vu que le doublage français contient des erreurs de sens.)

PELOQUIN : Il n'est pas du Peuple de la nuit. C'est un Naturel.

BOONE : Non ! J'ai tué des gens, je suis comme vous, c'est pour ça que je suis là...

PELOQUIN : Ferme ta putain de gueule. Tu es de la viande.

KINSKI : Si on le mange, on enfreint la loi.

BOONE : Mon Dieu... Mon Dieu... c'est vrai.

PELOQUIN : Evidemment que c'est vrai. Tout est vrai. Dieu est un astronaute. Oz est au delà de l'arc-en-ciel. Et Midian, c'est là où vivent les monstres.

Peut être vu par des enfants ?

Ca va pas la tête !? On vous dit que c'est un film d'horreur avec plein de monstres ! Plus sérieusement, ce film contient plusieurs scènes bien gore, dont une qui continue de me retourner l'estomac au bout de dix ans de visions régulières. On éloignera donc enfants et adolescents. Ils ont tout le temps de voir des films de genre.

Sexe/violence/humour :

Du point de vue du sexe, une ou deux créatures sont assez sensuelles et on voit une femme nue un bref instant mais pas de quoi fouetter une crème. La violence est quasiment constante avec plusieurs scènes de massacre ou de découpage de gens. Les âmes sensibles se cacheront les yeux aux moments appropriés. On peut déceler quelques petites touches d'humour grinçant mais Cabal n'est pas un film rigolo.

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------------------------ATTENTION SPOILERS !!! ------------------------

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Infos bonus :

Vu qu'on est dans la partie de l'article où on a le droit de spoiler, entrons dans le vif du sujet. Pourquoi ce film un peu ringard, aux images vieillottes, aux acteurs inconnus, est-il génial ? Tout simplement parce que ses idées sont uniques. Dans ce film, les méchants ne sont pas les monstres mais bien les humains.

Les habitants de Midian sont certes différents et effrayants au premier abord mais ils sont pour la plupart inoffensifs et même vulnérables.

Les monstres ont des enfants ; ils saignent et meurent comme nous. Certes, ils ont des pouvoirs parfois puissants mais ils ont également leurs faiblesses, comme la petite Babette qui ne peut survivre au soleil. Ils sont les survivants d'une époque où le merveilleux existait encore dans le monde, où les êtres surnaturels marchaient parmi les hommes.

Et malgré les coupes dramatiques faites sur le film par la production, on prend encore très rapidement le parti des monstres. Ils semblent vite plus humains que les humains, représentés par des fous psychopathes, un religieux déséquilibré, des policiers véreux assoiffés de massacre et tout un village de fachos prêts à prendre les armes pour aller flinguer femmes et enfants. Le flashback de Rachel pour expliquer l'histoire du Peuple de la nuit est, à cet égard, très parlant puisqu'on y voit les persécutions subies par les monstres sous l'inquisition. Clive Barker ne nous présente jamais les monstres comme mauvais, mais juste comme des êtres différents, aux coutumes autres que les nôtres. Et leur extermination par les humains intolérants rappelle furieusement d'autres crimes, contre d'autres êtres différents, qu'ils soient juifs, noirs ou encore homosexuels.

C'est à mon sens le principal message de ce film et c'est ce qui en fait autre chose qu'un bête film d'horreur : il ne faut pas avoir peur de la différence ; ce qui est effrayant n'est pas forcément dangereux ; laissons vivre ceux qui ne sont pas comme nous et essayons de les comprendre. Le personnage de Lori est l'illustration éclatante de ces idées, notamment dans la scène où elle sauve Babette du soleil. Elle n'hésite que quelques instants devant l'apparence monstrueuse de la fillette. Certes, elle est moche mais c'est une gamine qui a besoin d'aide. Très vite, dans Cabal, le spectateur en vient à se sentir attiré par la cité de Midian, à s'attacher aux monstres et à ressentir un profond dégoût pour les humains. Il comprend qu'il ne faut pas se fier aux apparences et que la beauté se cache sous l'horreur. La plus belle illustration en est selon moi Shuna Sassi, la femme-hérisson, parfait mélange de monstruosité et de sensualité, un peu à l'image des cénobites de Hellraiser.

Clive Barker fait dans ce film une violente critique de la société américaine armée et intolérante, de la psychiatrie, de la police et même du clergé. Tout le monde en prend pour son grade ! Le personnage du psychiatre psychopathe ou encore ceux des flics qui se flinguent entre eux dans leur frénésie de tuerie sont éloquents.

Venons-en à la violente coupe opérée par la Fox et plus précisément par Morgan Creek, (je souhaite que Pinhead en personne vienne le punir !). Je vous expliquais plus haut toute l'originalité du film et c'est justement ce que Creek n'a pas supporté. Dans le showbiz formaté et archi-conventionnel, il n'est pas de bon aloi de sortir du rang. Creek n'aimait pas le côté onirique et fantastique du film. Et il désapprouvait, aux dires de Barker, le fait que les monstres soient les gentils du film et que les humains aient une image négative. Cette idée lui était si intolérable qu'il a essayé de couper le film pour la faire disparaître. Il voulait faire de Cabal un film d'horreur on ne peut plus banal avec un serial killer et du sang, point. Heureusement, c'est raté. Mais pour se faire une idée de l'esprit incroyablement étriqué de Creek et de la façon totalement biaisée et mensongère dont la Fox a tenté de vendre le film, regardez un peu l'affiche américaine. Elle montre les yeux écarquillés de Lori avec le sous-titre « Lori pensait qu'elle savait tout de son petit ami. Lori se trompait. ». Pas un monstre, pas un élément fantastique. On croirait la suite de Massacre à la tronçonneuse. Et si vous avez vu le film, vous savez que Lori est une battante courageuse plutôt qu'une gourdasse qui pousse des piaillements aigus. Et il parait que la bande annonce était tout aussi mensongère, ne montrant aucun monstre et se concentrant sur les cinq minutes où Decker assassine une famille.

Heureusement pour le spectateur à l'esprit ouvert, Creek a échoué à détruire ce film. Mais que reste-t-il des 2h30 de pellicule ? Des 200 monstres ? Et des deux suites que Barker voulait tourner ? Barker se bat depuis des années pour que la Fox lui rende les parties coupées et permette une sortie director's cut en DVD mais ce combat est sans grand espoir car la Fox ne pense qu'au fric et pas aux ½uvres. Il y a quelques mois était cependant diffusée pour la première fois une version étendue de 2h39 de Cabal, lors du Horrorhound Weekend de Indianapolis. Des copies existent donc encore, même si elles sont incomplètes ou ne sont pas passée en post-production. Si vous vous voulez suivre l'affaire, il y a des nouvelles ici : http://www.clivebarker.info/morenightbreed.html.

Sources : article Nightbreed sur le wikipedia américain, www.horreur.com, http://www.clivebarker.info/

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