Fiche technique :

Mélodrame indien
Réalisé par Sanjay Leela Bhansali (Hum Dil De Chuke Sanam, Black)
Avec :
Shahrukh Khan : Devdas Mukherjee
Aishwarya Rai : Paro (Parvati) Chakrabôrty
Madhuri Dixit : Chandramukhi
Jackie Shroff : Chunnilal
Et aussi :
Kiron Kher : Sumitra Chakrabôrty
Smita Jaykar : Kaushalya
Tiku Talsania : Dharamdas
Ananya Khare : Kumud
Manoj Joshi : Dwijdas
Vijay Crishna : Narayan Mukherjee

Sorti en 2002
3 heures
Langue : Hindi

Le titre signifie :

Devdas est le prénom du héros.

Introduction :

Devdas est l'adaptation d'un roman de Chattopadhvay datant de 1917. Ce roman, très populaire en Inde avait déjà été adapté à neuf reprises. Le film a eu un immense succès en Inde. Il a notamment gagné 10 récompenses aux Filmfare Awards 2002 (équivalent local des Oscars), parmi lesquelles meilleur film, meilleur acteur, meilleure actrice, meilleur réalisateur, meilleure actrice dans un rôle secondaire, meilleure chanteuse de playback, meilleure chorégraphie. Le film a également été l'un des premiers Bollywood à connaitre une carrière internationale, avec sa présentation au festival de Cannes 2002 et sa sélection aux Oscars 2003.

Résumé :

Depuis qu'ils sont enfants, Devdas, fil d'une très riche famille, et Paro, fille de voisins d'une caste légèrement plus modeste, sont inséparables. Pour les éloigner l'un de l'autre, le père de Devdas a envoyé celui-ci en Angleterre pendant dix ans. Lorsqu'il revient, son amour d'enfant avec Paro s'est transformé en une passion d'adultes. Mais les parents de Devdas refusent une alliance avec une famille de rang inférieur…

Réalisation :

Ce film représente la quintessence de Bollywood. En effet, au delà de l'histoire d'amour impossible, il montre une grande richesse symbolique et s'apparente aux mythes religieux. La relation de Devdas et Parvati est ainsi sans cesse comparée à celle du dieu Krishna et de la nymphe Radha. Bhansali sait tenir sa caméra et diriger ses acteurs et il livre là une grande œuvre.

Acteurs :

Bhansali s'est offert le casting dont tous les fans de Bollywood rêvaient. Shahrukh Khan est une des plus grandes stars indiennes actuelles, Aishwarya Rai est une étoile montante, Miss Monde 1994, et Madhuri Dixit est une actrice appréciée. Ils sont tous trois très convaincants dans Devdas. Les femmes sont de plus d'excellentes danseuses. Les seconds rôles sont bien tenus aussi avec notamment la belle-sœur machiavélique ou encore le copain de beuverie de Devdas.
Les personnages sont intéressants et de personnalités diverses avec :
- Devdas, le fils prodigue qui a réussi à l'étranger. Orgueilleux et un rien brutal, il se laisse dépasser par les évènements et précipite sa chute,
- Paro, l'amante passionnée, naïve, parfois fière, parfois jalouse,
- Chandramukhi, la courtisane au grand cœur, dont la relation avec Paro est très inattendue,
- Sumitra, la mère de Paro, qui, offensée, va jeter une terrible malédiction,
- Chunnilal, le compagnon de Devdas,
- Kumud, la belle-sœur manipulatrice…
Les spectateurs non habitués au Bollywood trouveront sans doute que les acteurs sur-jouent et pleurent trop en gros plan mais c'est le style de jeu local et on s'y habitue.

Scénario :

C'est une histoire d'amour impossible qui évoque Roméo et Juliette. Ici, le système rigide des classes et l'orgueil démesuré de certains personnages empêchent l'union de Devdas et Paro. Le drame va se nouer à la suite d'erreurs et de mauvais caractères, jusqu'à causer la déchéance de Devdas. Le scénario classique est complété par des intrigues familiales et les relations complexes entre les personnages. Un court flash-back amène par exemple les relations conflictuelles entre Devdas et son père. De même, la relation qui se noue entre Paro et Chandramukhi est très intéressante. De grandes scènes théâtrales ponctuent l'histoire comme celle de la malédiction de Sumitra ou la scène où Devdas lance sans cesse " I object " à son père, en une parodie de procès. J'ai regretté que certains dialogues soient un peu longs ou un peu trop mélodramatiques. Mais après tout, on est là pour avoir du sentiment : de la romance, de la haine, de la tristesse… La fin, très inattendue quand on ne connaît pas le livre ou une précédente adaptation, m'a vraiment réjouie. On ne verrait jamais ça dans le cinéma américain !

Photo :

Les images sont absolument somptueuses. Les décors sont particulièrement fastueux avec notamment la maison des parents de Paro, toute de cloisons translucides colorées. Ou encore les palais des plaisirs, illuminés de myriades de lampes. Tout est très étudié, carrelages, lustres, rideaux… Un plaisir pour les yeux. Tout cela est mis en valeur par les mouvements de la caméra. Les costumes sont les plus beaux que j'ai vus avec des saris de multiples étoffes, des bijoux comme s'il en pleuvait, des maquillages sublimes. Le tout est mis en valeur par les deux héroïnes, qui sont très belles.
Les couleurs ont un sens dans le film, avec une dominante de rouge qui représente la passion, le mouvement. La fin est filmée elle dans des tons bleus qui renvoient à Shiva, le dieu de la vie éternelle.

Musique et danse :

Les numéros de danse sont un passage obligé (et attendu par les fans) dans les Bollywood et on peut dire que je n'ai pas été déçue par Devdas ! Les numéros chantés et dansés s'intègrent bien dans l'histoire car les paroles racontent des choses en complément des dialogues.
Deux styles de danse sont ici représentés :
- le bharata natyam (dansé par Aishwarya Rai/ Paro), danse très fluide qui reproduit les poses sensuelles des statues indiennes. Chaque geste a un sens précis et raconte une histoire. Cette danse est inspirée de celles des devadasi, les servantes des dieux, qui se prostituaient contre des offrandes en argent.
- le kathakali (dansé par Madhuri Dixit/Chandramukhi), une danse très théatralisée avec des mouvements syncopés de la tête et des poignets.
Le choix des danses contribue d'ailleurs à brouiller les rôles entre Paro et Chandramukhi, puisque c'est Paro, l'amoureuse vertueuse, qui danse le bharata natyam et non la courtisane. Les chorégraphies sont magistrales, belles et complexes et parfaitement exécutées. L'apogée est atteinte avec Re dola re.

La musique est composée par Ismail Darbar. Les principaux interprètes sont Udit Narayan, Shreya Ghoshal (Paro) et Kavita Krishnamurthy (Chandramukhi). Shreya Ghoshal est mon interprète préférée à ce jour en matière de musique indienne. Les musiques sont d'une grande richesse instrumentale, avec des chœurs, entraînantes avec des percussions dynamiques. Certaines vous resteront longtemps dans la tête.

Peut être vu par des enfants ?

Pourquoi pas mais je doute que cela retienne leur attention trois heures.

Sexe/violence/humour :

Il n'y a jamais de sexe dans les Bollywood. La violence est ici surtout morale entre haine et jalousie. L'humour est absent.

La réplique du film :

" Une femme est une mère, une sœur, une épouse ou une amie. Si elle n'est rien de tout cela, c'est une putain. "

Infos bonus :

Le film montre certains aspects de la culture indienne qui peuvent étonner. Par exemple, le fait que les familles vivent ensembles dans de grandes maisons. Ou encore l'aspect lutte des classes alors que la famille de Paro semble elle aussi très riche. Il faut expliquer que Sumitra, la mère de Paro était actrice et danseuse, ce qui la fait appartenir à une caste inférieure à celle de la famille de Devdas. Les gens touchent les pieds de leurs aînés en signe de respect et d'humilité. Enfin, lors de la veillée funèbre, les protagonistes sont vétus de blanc car c'est la couleur du deuil en Inde.

De nombreuses scènes sont des symboliques faisant référence à des coutumes ou à des mythes. Petit décodage…

La lune est associée au plaisir dans la mythologie indienne. C'est pourquoi Paro ne se laisse-t-elle voir à Devdas après son retour qu'à la lumière de la lune.

L'eau et le feu sont associés aux principes féminins et masculins. Ces éléments apparaissent fréquemment dans le film avec les nombreux plans d'eau, la flamme de Paro qui représente son amour, la bougie de Paro flottant sur l'eau dans la scène de chant de Sumitra…

La censure étant très stricte en Inde, tous les aspects charnels de la relation entre Devdas et Paro sont suggérés par des symboles. Notamment dans la scène de danse Morei piya. Dans cette scène, Paro est comparée à Radha, qui supplie Krishna de ne pas l'outrager, de lui laisser sa dignité. L'épine sur laquelle marche Paro peut être interprétée comme une métaphore de la défloraison. La jeune femme commence par se dérober lorsque Devdas veut retirer l'épine, puis finalement se soumet. Là où le cinéma occidental montre, le cinéma indien suggère, tout en sensualité, dans les regards, les non-dits, les symboles, les frôlements. Et finalement, ce n'est pas plus mal.

La scène où Devdas blesse Paro au front et utilise le sang pour lui tracer un trait rouge dans les cheveux est un simulacre de mariage. En effet, durant la cérémonie du mariage, l'homme trace un trait au henné sur la tête de sa femme afin de représenter son statut de femme mariée.

De même, à la fin du film, Paro tentant de rejoindre Devdas renverse un vase de poudre et laisse sur le sol des empreintes rouges. Cela fait référence à la coutume selon laquelle la mariée trempe ses pieds dans une poudre rouge avant de franchir le seuil de sa maison.

Certaines symboliques me laissent perplexe (Paro chassant une mouche, Devdas laissant une trace de suie sur la bouche de sa bien aimée, le miroir de Chandramukhi qui se brise). Si quelqu'un sait ce que cela signifie, qu'il veuille bien me contacter pour éclairer ma lanterne.

Conclusion :

Ce film est de loin le meilleur Bollywood que j'aie vu. Il combine un casting exceptionnel (Shahrukh Khan, Aishwarya Rai et Madhuri Dixit sont d'énormes stars en Inde et d'excellents acteurs), des moyens pharaoniques (décors grandioses, superbes costumes, musique et danses très soignés) et une très belle réalisation. Un vrai délice pour les yeux et les oreilles. A chaque fois que je le regarde, je suis complètement dépaysée. Bien sûr, c'est mélo mais l'histoire est prenante et émouvante. Si vous n'aimez pas ce film, vous n'aimerez probablement aucun Bollywood, hihi !

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