Fiche technique :

Adaptation d'un comic de Mike Mignola datant de 1993

Réalisateur : Guillermo Del Toro (L'échine du diable, Hellboy I, Le labyrinthe de Pan…)

Acteurs principaux : Ron Perlman (Le nom de la rose, La cité des enfants perdus…)

Doug Jones (La jeune fille de l'eau, Le labyrinthe de Pan…)

Selma Blair (Sexe intentions)

Sortie : octobre 2008

Durée : 1h59

Version originale : anglais

Le début :

Durant la seconde guerre mondiale, les nazis ont tenté d'ouvrir une porte vers les enfers afin de prendre l'avantage dans le conflit. Elle ne resta ouverte qu'un instant mais un bébé démon eut le temps d'en sortir. Elevé par un scientifique américain qui le nomma Hellboy, le démon est devenu une montagne de muscles rouges, qui se lime les cornes pour avoir l'air plus humain. Il fait partie d'un bureau d'investigation et de lutte paranormale, entretenu en secret par le gouvernement américain. Il est accompagné lors de ses missions par Liz, une jeune femme qui contrôle le feu et par Abe, un amphibie médium.

Il y a plusieurs siècles, une guerre opposait les humains et les elfes. Les elfes prirent l'avantage grâce à l'armée d'or, une cohorte de machines indestructibles, dirigées par une couronne magique. Le roi des elfes, un pacifiste, décida de signer une trêve avec les humains et leur donna la moitié de la couronne afin que nul n'utilise plus jamais l'armée d'or. Le fils du roi, le prince Nuada, désapprouvant cette trêve, partit en exil et jura de revenir quand il le jugerait nécessaire…

Histoire :

L'histoire est très classique, une prophétie et un artefact puissant à retrouver, mais cela ne serait pas gênant si elle était correctement exploitée. Hors, elle reste en toile de fond à un déluge d'action et c'est là, à mes yeux, que le bât blesse.

Les thèmes du premier, « qu'est-ce que l'humanité », « comment s'intégrer quand on est différent »… , sont encore présents, avec en plus une considération écologique bien d'actualité. En effet, les elfes représentent la nature et les humains l'urbanisation et la pollution qui détruisent cette nature. Les elfes sont obligés de se cacher et leur territoire rétrécit de plus en plus. On les devine en voie d'extinction.

Guillermo évite habilement le manichéisme en présentant un méchant, le prince Nuada, somme toute sympathique, très beau et élégant, qui défend une cause juste, celle de protéger ce qui reste de la nature et de son peuple. Les dialogues entre Hellboy et Nuada sont d'ailleurs très bien vus.

Le jeune flic, Myers, a disparu et est remplacé par un nouveau protagoniste, Yohan Krauss, original quoique agaçant à la longue.

Guillermo nous entraîne dans une farandole de monstres, elfes, trolls, gobelins et autres, diversifiés, originaux et souvent d'une grande beauté plastique (mention spéciale pour l'ange sombre). De superbes décors, insolites et grandioses, nous emmènent véritablement dans un autre monde. Guillermo reste fidèle visuellement à son mélange de merveilleux et de glauque. Il ré-invente ainsi les elfes pour en faire des créatures diaphanes, gracieuses mais un brin inquiétantes. Enfin, on retrouve, comme dans presque tous ses films, de nombreux engrenages.

L'action ne s'arrête jamais, avec de multiples combats bénéficiant de superbes chorégraphies, des créatures spectaculaires de taille monstrueuse, de la pyrotechnie… Mais le scénario se dilue dans cette débauche d'action. De nombreuses idées intéressantes ne sont pas exploitées, la psychologie des personnages passe totalement à la trappe. Ce qui faisait les points forts du premier film, ambiance inquiétante et Lovecraftienne, personnages fouillés, sympathiques scènes de vie (Hellboy mangeant des cookies avec un gamin sur un toit), humour de bon goût… a disparu au profit d'un rythme frénétique, d'une surenchère de monstres et de baston. On quitte le film d'ambiance pour entrer dans le banal film de super-héros à l'américaine.

L'humour est très présent, avec des vannes lancées par le gouailleur Hellboy ou des situations cocasses. Mais il est moins subtil que dans le premier volet.

Le film est également moins violent que le premier, et moins glauque. L'histoire, à peine esquissée, est très simple à comprendre.

Au final, ce film est un honnête divertissement, bourré d'action et de créatures. Beaucoup moins bon que le premier, il se laisse voir pour ses très beaux monstres et le prince Nuada, qui a vraiment la classe.

Réalisation :

La réalisation est efficace, sobre et classique. Les effets de caméra du premier volet (Hellboy sur un pont observant l'enterrement de son père…) ont disparu mais l'image reste belle, à la hauteur des élégantes chorégraphies de combats et des imposants décors. Un bémol toutefois pour les combats au corps à corps, souvent confus.

La musique de Danny Elfman, bien trop discrète, suit parfaitement.

Acteurs :

Ron Perlman est Hellboy, surnommé « rouge ». Il est très à l'aise avec ses muscles et ses cornes. Il parvient malgré tout son maquillage à rester expressif.

Doug Jones, Abe sapiens, est l'intellectuel du groupe. Il prend un peu d'importance dans ce deuxième film et c'est tant mieux. Mention spéciale pour sa gestuelle fluide et pleine de grâce.

Selma Blair, Liz, est bien fade dans ce deuxième volet.

Luke Goss, le prince Nuada, est l'excellente surprise du film. Bien roulé, classe et sobre, il incarne très justement la lame vengeresse de la nature opprimée.

Anna Walton, la princesse Nuala, est la princesse typique de conte de fée, mignonne et cucu.

Personnages :

Hellboy est un héros atypique et attachant, décontracté mais bagarreur. Démon égaré dans le monde des humains, il aimerait être aimé des foules. Mais sa place n'est-elle pas en réalité avec les monstres ? Dommage qu'il n'ait qu'une petite scène de vie avec son pote Abe.

Liz est reléguée au rang de potiche, un brin acariâtre de surcroît. De toutes façons, les rôles féminins ne sont pas le point fort de la franchise !

Si vous vous imaginez les elfes avec des petites tresses blondes, des bijoux et des pantalons verts moulants, vous allez être surpris par le prince Nuada ! Fans de Elric le nécromancien, nous avons trouvé l'acteur idéal. Même pas besoin de changer de costume !

Yohan Krauss est le nouveau membre de l'équipe. Etre vraiment original, il pêche cependant par sa psychologie caricaturale.

Photo :

Les monstres sont somptueux, mis en valeur par des effets de lumière appropriés. Les décors sont également très réussis, spécialement celui de la confrontation finale. Les costumes des elfes sont soignés, élégants et intemporels. Le prince et la princesse, assortis en visage et en vêtements, sont vraiment décoratifs. L'image est d'ailleurs un peu chargée, avec une grande recherche du détail et de l'accessoire.

Effets spéciaux :

Encore une fois, Guillermo mélange animatronics et image de synthèse. Du coup, les créatures ont une bonne matérialité. Les effets spéciaux sont très nombreux durant tout le film et plus ou moins réussis. Le rendu d'ensemble est assez hétérogène.

Si vous avez aimé… vous aimerez :

Si vous avez aimé Hellboy et Le labyrinthe de Pan, vous risquez d'être déçu par ce Hellboy II. Mais vous pouvez quand même y aller pour le divertissement et les chouettes monstres.

Par contre, si vous aimez l'action pure, les monstres spectaculaires et les combats musclés, foncez ! Ce film est pour vous.

Peut être vu par des enfants ?

Oui mais pas trop jeunes. Le film est peu violent, le scénario est très facile à comprendre mais l'image est extrêmement trépidante.

Sexe/violence/humour :

Aucun érotisme. Hellboy et sa copine ne se font pas même un bisou et la princesse est la chasteté incarnée.

Niveau violence, elle est bien moindre que dans le premier où l'ambiance oppressante accentuait l'aspect inquiétant du nazi mécanique et de son maître nécromant. Ici, ça bastonne mais gentiment et presque sans une goutte de sang.

Niveau humour, pas mal de gags, surtout au début, mais d'un niveau vraiment potache.

------------------------ATTENTION SPOILERS !!! ------------------------

--------------Si vous n'avez pas vu le film, ne lisez pas la suite de l'article ! --------------

Inspirations :

Le premier volet se nourrissait principalement des nouvelles de Lovecraft avec des créatures tentaculaires venus d'outre-espace et des livres interdits, inspirations déjà présentes d'ailleurs dans la BD d'origine de Mignola. Le second, lui, va piocher dans la mythologie féerique.

La scène d'ouverture, où le professeur Broom raconte à son jeune fils la guerre entre les humains et les elfes, est mise en scène avec des marionnettes de bois qui rappellent furieusement le Fil de la vie, un film danois de 2005 très peu connu.

La cour des elfes est issue des légendes irlandaises sur le peuple des daoine sidhes, ces elfes inquiétants, vivant dans un monde souterrain. Balor quand à lui évoque Obéron, le roi féerique du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Sa coiffure en branches d'arbre entremêlées symbolise son lien avec la nature. De même, les feuilles mortes qui tombent en permanence sur la cour des elfes (très belle image) évoquent l'automne d'une race, l'extinction prochaine, en même temps que le milieu d'origine : la forêt. La langue que les elfes parlent m'a furieusement fait penser à l'elfique de Tolkien, parlé dans le Seigneur des anneaux par Arwen notamment.

La petite créature du début, la « petite souris », m'a incroyablement rappelé Tim Burton. Son faciès mignon et horrible à la fois, ses teintes blanc bleuté, ses yeux et son rendu pâte à modeler m'ont fait penser à l'Etrange noël de mister Jack.

Le pouvoir de dissimulation des être féeriques est également issu des légendes celtiques. Il a, à ma connaissance, été nommé « glamour » pour la première fois par Laurell K Hamilton, dans sa série de livres fantastiques Anita Blake puis plus tard dans les tomes parlant de Meredith Gentry. Le terme est ici repris avec le même sens.

La scène du marché aux trolls évoque Star Wars, et plus particulièrement Mos Eisley, avec des créatures dans des tons ocres et sables, certaines enveloppés de bandes de tissu et portant des visières comme les Tuskens.

Le bébé-tumeur fait lui une jolie référence visuelle à Total recall où Arnold Schwazenegger rencontrait un mutant martien avec un bébé similaire lui sortant du ventre.

La scène où le dieu sylvestre meurt et où son agonie fait pousser sur le béton une prairie en fleurs provient du film Princesse Mononoke de Miyazaki. Un dieu sylvestre très semblable s'abattait sur une montagne en mourant sous les feux des hommes et sa mort faisait reverdir tout le paysage.

Guillermo semble se citer lui-même sur la fin du film, avec la scène où les héros descendent dans une cité souterraine abandonnée, aux dimensions cyclopéennes, guidés par une créature tronc, exactement comme avec le macchabée russe dans les ruines sous le cimetière dans le premier volet.

Il nous offre également le pendant angélique du « pale man » du labyrinthe de Pan, avec l'ange sombre, ses yeux sur les plumes au lieu de les avoir sur les mains. J'ai particulièrement aimé le design de l'ange. C'est ma créature préférée dans le film. On la croirait issue de la mythologie grecque, mi parque, mi sphinx.

Pour un autre cut :

Certaines séquences bien trop longues ou carrément inutiles auraient pu à mon sens être coupées, ménageant ainsi de la pellicule pour approfondir l'histoire et développer les personnages. J'aurais notamment raccourci le conte du début et le combat avec les « petites souris ». J'aurais supprimé le combat avec le dieux sylvestre ainsi que le golem de pierre qui sert de porte à la cité irlandaise. Ces monstres géants ne servent pas à grand chose à part au côté sensationnel made in america. La séquence où Hellboy se bat en portant un bébé est d'ailleurs assez ridicule.

La psychologie des personnages est mise sur le côté. Les relations entre Hellboy et Liz se résument à deux engueulades et un froid glacial durant quasiment tout le film. Heureusement, Guillermo s'autorise la séquence très drôle où Hellboy et Abe se saoulent en chantant une chanson d'amour. Cette scène met un peu d'air dans la grosse machine à action hollywoodienne et un peu d'humanité dans la galerie des effets spéciaux sur pattes.

Hellboy aurait pu être plus torturé que cela, notamment à cause des réactions de haine de la foule, peu crédibles d'ailleurs, et de ses affinités naturelles avec les monstres. Normal qu'il se sente à l'aise dans le marché troll où il est enfin parmi ses semblables. Les propositions que Nuada lui fait d'intégrer le peuple féerique sont particulièrement bien vues mais ce ressort psychologique est largement laissé de côté. Je ne comprends pas plus pourquoi il a besoin d'une raison de vivre quand l'ange sombre le sauve. Liz me semble une raison suffisante. Mais il fallait bien que Liz fasse sa révélation à un moment dramatiquement approprié.

Abe bénéficie d'une idylle avec une jolie et éthérée princesse mais cela ne sera guère qu'esquissé. Dommage ! Il est d'ailleurs si peu affecté par la mort de sa belle qu'il s'autorise une plaisanterie quelques secondes après.

Le personnage de Yohan Krauss est original mais curieusement exploité et très simpliste. La jalousie que Hellboy éprouve envers lui quand Abe lui témoigne son admiration aurait pu être d'avantage montrée. De même, Yohan commence par être paperassier et exagérément respectueux du règlement puis retourne brutalement sa veste. Il va jusqu'à démissionner avec les autres à la fin du film, sans raison particulière. Tout cela sent fort le deux ex machina. Reste la séquence où il se bat avec Hellboy dans le vestiaire, seule à mettre un peu en valeur le personnage de Krauss.

Le personnage du prince Nuada est, j'ai trouvé, bien plus réussi. Il a choisi la voie de la violence mais son combat est juste et beau. Il est persuadé d'agir pour le bien de son peuple. La scène où il tue son père est particulièrement belle, où il lui dit en lui perçant le cœur « père, je t'ai toujours aimé ». Son character design est également très réussi, avec des vêtements d'inspiration chinoise, un style de combat aérien, des cheveux diaphanes flottant aux vents… Pas de doute, ce personnage est un Elric de Mélniboné incarné à l'écran !

La princesse Nuala, quand à elle, incarne la quintessence de la mièvrerie elfique. Femme-objet par excellence, elle ne sert que comme objet d'amour, être à protéger et enjeu de combat. De quoi faire bondir les féministes. Son sacrifice final est éminemment prévisible. N'aurait-elle pas pu juste menacer son frère de se tuer ? Ou tenter de le raisonner ? Il devait y avoir d'autres solutions, me semble-t-il.

De nombreux éléments scénariques sont occultés. Hellboy révèle son existence au grand public. On l'imagine assailli chaque jour par les journalistes, invité à la télé mais cela ne sera pas montré. Pas le temps.

De même, l'enquête de la brigade paranormale pour découvrir la couronne aurait du constituer le cœur du film. Ceci est expédié en deux secondes grâce à un artefact scénarique bien lourdingue : Abe suit spontanément la princesse elfe dans le marché aux trolls et elle, candide, lui apprend avant même de savoir qui il est qu'elle est la princesse, qu'elle détient le bout de couronne, à quoi il sert et où elle l'a caché !! On croit rêver.

Ca ne s'améliore pas par la suite. La brigade étudie-t-elle le cylindre et la carte pour découvrir où sont cachées les légions d'or ? Pas du tout. C'était pourtant simple ; Nuada trouve la solution en un instant…

Dommage, car ce film, grâce à l'inventivité de son bestiaire et de ses décors, et au souffle épique de sa réalisation, aurait pu être aussi bon que le premier !

Et la suite ?

Guillermo a annoncé qu'il était possible qu'un Hellboy III voit le jour. Et je serais bien curieuse de voir la tronche des deux petits de Liz. Si cela se fait, ce serait le dernier film de la franchise et il montrerait la réalisation du destin de Hellboy, à savoir entraîner la destruction de la Terre. Mais c'est pas pour tout de suite car Guillermo est parti faire Bilbo le hobbit en deux films !

RETOUR