Fiche technique :

Titre original : Låt den rätte komma in qui signifie " Laisse entrer la bonne personne "

Réalisateur : Tomas Alfredson

Acteurs principaux : Kare Hedebrant (Oskar), Lina Leandersson (Eli), Peter Carlberg (Lacke), Ika Nord (Virginia) et Patrik Rydmark (Conny).

Sortie : 04 février 2009

Durée : 1h54min

Version originale : suédois

Adapté du roman : Låt den rätte komma écrit par John Ajvide Lindqvist

Grand prix au festival du film fantastique de Gérardmer 2009

Le début :

Oskar est un gamin de 12 ans qui vit dans la banlieue de Stockholm dans les années 80. Extrêmement solitaire, il est martyrisé par ses camarades d'école et n'ose se défendre. Un soir où il s'imagine rendant les coups à ses tortionnaires, il rencontre Eli, une fillette mystérieuse qui vient d'emménager dans son immeuble.

Histoire :

L'histoire est centrée sur l'amour qui va naître entre les deux enfants, extrêmement solitaires pour des raisons différentes.

Ils vont chacun apporter à l'autre ce qui lui manque, Eli en apprenant à Oskar à se défendre, Oskar en acceptant Eli et en l'aimant telle qu'elle est.

C'est la rencontre de deux êtres très différents dans leur caractère mais très proches dans leur souffrance. L'amour qui les unit est pur et totalement inconditionnel, à l'image d'Oskar qui ne pose quasiment aucune question à Eli. Il est d'ailleurs très rare de voir mis en scène l'amour entre deux enfants. La plupart des gens pensent peut-être que amour et sexe sont indissociables et la question de la sexualité précoce constitue un écueil incontournable. L'amour d'Oskar et d'Eli n'a pourtant rien de sexuel. Il est pure sentiment.

Le film est calme et introspectif, avec de rares scènes de violence qui ressortent d'autant plus. Il présente une banlieue triste et glaciale, recouverte d'un linceul de neige, plongée dans une pénombre claustrophobique. Le dépaysement provoqué par la langue et les paysages augmente l'impression d'étrangeté qui se dégage du film. On parle ici de solitude, celle des paysages hivernaux déserts, mais aussi celle des habitants de ces barres d'immeubles vétustes et impersonnels. Et le froid n'est pas que celui de la neige, c'est aussi celui des cœurs. Et c'est cette description hyper-réaliste de l'extrême isolement, de la souffrance morale et de la cruauté des enfants qui choque, d'avantage que les scènes violentes. Le film surprend par son originalité et son caractère troublant.

Réalisation :

La façon de filmer d'Alfredson est originale et un peu déstabilisante, avec des mouvements de caméra lents, des plans qui ne montrent qu'une petite partie du corps d'un acteur, notamment la mère du héros... Cela contribue à créer une atmosphère d'étrangeté et d'inquiétude. La violence est rarement montrée. On entend juste des bruits répugnants hors champ ou derrière une porte close, ce qui est particulièrement bien joué. L'ambiance reste intacte sans plonger dans le gore. La musique est très discrète.

Acteurs :


Les deux enfants sont tout bonnement extra-ordinaires. Leur jeu de la souffrance rentrée est particulièrement juste et émouvant.

Photo :

Le film bénéficie d'une très belle photographie avec des plans sur les étendues enneigées opposés à de nombreux gros plans sur les visages des deux enfants, graphiquement opposés, l'un blond, l'autre brun.

Effets spéciaux :

Ils sont limités et agréablement sobres. Le film ménage ses effets et n'en est que plus efficace. On est ici à mille lieues d'une production américaine, pleine de bruit et de fureur. Les effets les plus marquants sont aussi les plus simples, comme le bruit que fait Eli quand elle a faim.

Si vous avez aimé… vous aimerez :

Pas facile de répondre car ce film est très atypique. Par contre, si vous aimez Twilight, son cortège de clichés pour ado et sa mièvrerie, vous n'aimerez sans doute pas Morse !

Peut être vu par des enfants ?

Le film est interdit aux moins de 12 ans et, encore une fois, ça me paraît un minimum. Les scènes violentes et surtout le lourd contenu psychologique doivent vous conduire à éloigner le jeune public.

Sexe/violence/humour :

Zéro sexe. L'amour entre Oskar et Eli est aussi pur que la neige. La violence est par contre bien présente avec plusieurs meurtres et pas mal d'hémoglobine.

Un peu d'humour noir est perceptible par moments, de manière subtile, avec certaines images incongrues comme le caniche dans les bois ou le passage grand-guignol avec les chats, par exemple.

Conclusion :

Ce film devrait ravir les gens, qui comme moi, en ont marre des grosses machines hollywoodiennes standardisées, avec leur déluge d'effets spéciaux, leur scénario riquiqui et leurs personnages stéréotypés. Let the right one in est un film beau et original, troublant et très fort mais également très dur.

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------------------------ATTENTION SPOILERS !!! ------------------------

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Inspirations :

Ce film revisite le mythe du vampire puisque c'est là la nature d'Eli. Il reprend pas mal d'éléments caractéristiques du vampire de la littérature et du folklore. En effet, Eli a la faculté de grimper aux murs, de voler. Elle ne se déplace que la nuit et elle doit tuer ses victimes sous peine de créer de nouveaux vampires. Elle infecte ainsi Virginia qui préfère s'offrir à la lumière du soleil pour se tuer. Elle est fascinée par les puzzles, un Rubik's cube dans le film, comme les vampires médiévaux qui doivent dénouer tous les nœuds qu'ils voient, reconstituer les objets brisés ou compter les graines jetées au sol. Elle ne peut entrer dans un lieu sans y avoir été invitée. Elle provoque la colère des animaux qui reconnaissent sa vraie nature (ici les chats). Elle ne peut s'alimenter normalement sous peine d'être malade.

Par contre, elle ne semble pas posséder une force surhumaine puisqu'elle est éjectée du corps de Virginia par un simple coup de pied. Elle n'est pas non plus sans défense la nuit, puisqu'elle se réveille pour tuer Lacke.

La façon dont est présenté le vampirisme est très intéressante puisqu'il est placé à côté de la violence des humains. La bestialité des attaques d'Eli s'oppose à la violence froide des camarades d'Oskar. Eli et Oskar ont cette violence en commun puisqu'elle tue pour se nourrir et que lui rêve de tuer pour se venger. En outre, il collectionne des coupures de presse sur des meurtres. Aucun jugement moral n'est porté sur le vampirisme et Eli semble manifestement souffrir de sa condition. Et c'est ce qui est très intéressant dans le regard du film : Oskar ne porte aucun jugement sur Eli. Il l'accepte telle qu'elle est sans presque poser de questions. Elle est un prédateur, obligée de tuer pour vivre et, en cela, son comportement est justifié au contraire de celui des camarades d'école qui blessent pour leur plaisir sadique.

Le film utilise le propos fantastique pour disséquer les relations humaines, grâce à des scènes très fortes comme le moment où Eli avoue sa vraie nature à Oskar derrière une porte vitrée ou le sacrifice du protecteur d'Eli qui lui offre son sang puis se jette par la fenêtre. Le vampirisme est peut-être également la métaphore du côté noir de l'âme de chacun, comme dans la scène où Virginia, horrifiée, découvre qu'elle est un vampire et choisit de mettre fin à ses jours.

Explications :

Certains passages du film sont assez obscurs et je me suis référée au livre dont il est inspiré pour avoir des explications. Tout d'abord, l'homme avec lequel Eli voyage de ville en ville, qui est-il ? Il me paraissait assez évident que ce n'était pas son père car la vampire doit être assez âgée et ils ont des relations un peu bizarres, comme en témoigne la scène où ils sont tous deux dans la cuisine et où elle lui caresse le visage. Une hypothèse était qu'il s'agissait d'un ancien amoureux, qu'elle aurait peut-être rencontré quand il avait le même âge qu'Oskar.
Le livre indique qu'il s'agit d'un pédophile qui sert Eli dans l'espoir de se rapprocher d'elle. Alfredson a préféré éluder cet aspect de l'histoire afin de garder l'attention sur l'histoire d'amour entre Oskar et Eli.

J'ai également trouvé peu claire la scène où cet homme se sacrifie et se défigure à l'acide. Pédophile recherché, il ne veut pas que la police puisse remonter de lui à Eli. Quand il se retrouve piégé dans le vestiaire du gymnase, il se défigure donc afin de ne pas être identifié. Dans le livre, il revient après sa mort sous forme de vampire sans esprit.

On apprend également dans le livre qu'Eli n'est pas une fille mais un garçon castré. Oskar aperçoit d'ailleurs sa cicatrice dans un plan très court. Du coup, la scène où elle lui demande s'il l'aimerait même si elle n'est pas une fille prend un sens nouveau. Ce n'est pas seulement de vampirisme qu'Eli parle. Le livre indique qu'Eli est âgée de deux siècles.

Enfin, dernière scène sur laquelle je souhaitais des éclaircissements, celle où le père d'Oskar reçoit un ami chez lui. Le gars m'avait paru assez inquiétant et le gamin lui jetait des regards désapprobateurs. J'avais émis l'hypothèse que ce gars pouvait être l'amant du père. Si l'on se réfère au livre, c'est faux. Il s'agit simplement d'un voisin venu boire un verre. Mais le père est alcoolique et préfère s'enivrer que de s'occuper de son enfant, ce qui explique l'attitude d'Oskar.

Une dernière chose :

Un petit coup de gueule contre les distributeurs français qui sont, comme souvent, incapables de conserver le titre original et nous ont collé à la place un titre à la con. Et un gros coup de gueule contre les ricains qui vont sortir un remake de ce film l'année prochaine. Enfin, les gars, vous êtes incapables d'apprécier un film s'il n'est pas sorti de vos propres studios !? Vous êtes obligés de passer toutes les œuvres à la moulinette de Hollywood ?! Je n'ose imaginer ce que vous allez faire de Let the right one in…

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